Le journal d'Ophélie - Semaine4

J 22 : dimanche 16 septembre : départ pour Antanimasaka
Au petit déjeuner, c’est patate douce.
Ce matin, messe à 9h. J’arrive à 8h30 dans l’église (après avoir aidé Sr Marie Clément et Sr Mathilde à la cuisine) : elle est déjà pleine. Je trouve une place dans le dernier rang des bancs. Tout commence par une sorte de vente aux enchères de fruits, légumes, gâteaux et paniers au profit de la paroisse. Ceci a lieu 3 fois dans l’année me disent les soeurs. A 9h la messe commence. C’est le prêtre qui a été ordonné mon 1er jour qui la célèbre. De plus, il a célébré un mariage dans la matinée. Le tout s’est terminé vers 11h30.


Nous mangeons vers 12h. Au menu les poules que Sr Mathilde a préparées hier. En dessert : papaye, ananas, mangue, noix de coco, et le gâteau.
Départ juste après, à 13h, pour Antanimasaka. Juste à la sortie de Manjakandriana, nous prenons une piste en terre. De là, pendant presque 2h, nous traversons bosses et trous, sur 40km. Le chemin est très chaotique et étroit. Nous traversons rizières et forêts d’eucalyptus. Tout est très vert ici. Pas de vrais villages, seulement quelques hameaux de maisons. Peu avant 15h, nous arrivons à la congrégation après avoir traversé une dizaine de maisons en guise de village.
Il n’y a que 3 soeurs : Sr Nathalie, Sr Hermine, et Sr Lydia. Sur le terrain, elles cultivent un peu, et ont quelques poules, et un cochon. Mais c’est plus petit qu’à Manjakandriana. Ce soir j’ai accompagné Sr Hermine pour donner à manger aux poules et au cochon, ainsi que les faire rentrer pour la nuit. Nous avons ramassé un oeuf.
La maison est entourée de rizières. Au loin, on peut voir la nouvelle école qui va ouvrir en octobre. Elle parait grande, avec une grande cours devant. On dirait qu’elle a été creusée dans la colline. Les inscriptions ont encore lieu cette semaine.
Dans la maison, il y a l’électricité, douche avec eau chaude. Par contre ni internet, ni téléphone qui capte dans la maison. Obligé de monter un peu plus haut sur la colline pour capter.
Pour la sécurité, la nuit, elles lâchent les 2 chiens. De plus il y a un détecteur de mouvement dans la cour, qui s’allume et qui sonne fort, juste à côté de ma fenêtre et parfois en pleine nuit…
J 23 : lundi 17 septembre : 1er jour à la maison st André ou dispensaire d’Antanimasaka
Au petit déjeuner, ici aussi, c’est patate douce ou riz, et du pain avec beurre et confiture d’ananas. Ici comme à Manjakandriana je ne manque pas de pain (le moufou).
Les filles du chauffeur (car les soeurs disposent d’une voiture ici aussi, mais ne conduisent pas) sont venues nous dire hier, que leur père était malade et qu’il ne pourrait pas aller au marché lundi matin. Nous sommes donc parties vers 7h30 pour le marché de Merikanjaka. Presque 1h de marche à pied à travers la forêt d’eucalyptus. Ça sentait bon. Plusieurs vélos nous doublent sur la route. Nous arrivons enfin au marché : 2 charrettes tirées par 2 boeufs sont face à nous. Nous prenons un petit chemin et arrivons sur la grande place du marché. Pas aussi petite que ce qu’elles me disaient. On trouve de tout : légumes, viandes, poissons séchés, bric à brac, vêtements… Nous achetons viande, patates douces, tomates, brèdes, carottes, haricots verts, petits pois, bananes, et beignets de bananes que nous mangerons en rentrant. Avant de repartir, nous nous arrêtons à la mairie pour récupérer un papier pour l’école. Le maire nous reçoit tout de suite. Il est très accueillant. Il a dit quelques mots en français et a voulu que je laisse un mot dans le livre d’or, comme des précédents touristes. Il me montre un mot d’un Québécois. Les papiers n’étant pas prêts, il nous dit qu’il repassera ce soir pour nous les apporter à la congrégation.
Sur le chemin du retour la pluie commence à tomber fort. Puis au bout de 10 minutes s’arrête à nouveau. Par chance nous croisons le camion de pain, et en prenons une dizaine que nous congèlerons en arrivant. Nous rentrons sous le soleil.
Le temps de ranger les courses et d’éplucher les légumes c’est déjà l’heure de manger. La pluie a recommencé de plus belle et ne s’arrêtera plus de la journée.
Le médecin vient d’arriver. Nous faisons les présentations. C’est le Dr Saholy. Normalement le lundi le dispensaire ouvre à 13h. Nous n’avons commencé qu’à 13h30. Le taxi brousse étant en retard. En effet, elle habite à Tananarive. Le dispensaire (Maison St André) ouvrant du lundi après-midi au mercredi soir, elle rentre le jeudi matin tôt et ne revient que le lundi matin. Elle a 2 enfants, et son mari est médecin généraliste aussi. Elle n’est au dispensaire que depuis janvier.

En attendant Sr Hermine me fait visiter. Il y a une salle de secrétariat, avec un bureau, pour faire les comptes et la caisse. Elle donne sur une autre salle qui est la pharmacie. Après toujours sur la droite il y a la salle de consultation du médecin qui comprend un bureau, un table d’auscultation, un lavabo, une petite armoire. De l’autre côté il y a 2 pièces pour les soins, qui sont déjà à moitié vidées en vue de la réhabilitation du bâtiment. Pleines de malles en métal et de cartons. Beaucoup de matériel à pansements, et des pots vides et inutiles en grande quantité, ou des produits périmés depuis plusieurs années…
Sr Hermine n’est pas infirmière, et n’a pas fait d’études médicales. Elle n’est là que depuis 2 semaines. Avant c’était Sr Honorine (qui est maintenant à Manjakandriana) qui travaillait au dispensaire.
Nous avons eu 1 consultation : un bébé de 1 mois pour des difficultés respiratoires. C’est le premier enfant de cette jeune fille qui est accompagnée de ses parents. En effet, elle a les lèvres cyanosées même si à 1ère vue elle semble respirer normalement. A l’auscultation on entend les poumons crépiter un peu. Traitement par voie orale : antibiotiques et cortisone. Pas de fièvre, mais elle prescrit aussi du paracétamol au cas où, car ces personnes habitent à 2h de marche à pieds. De plus, elle explique à cette jeune femme comment laver le nez du bébé avec son propre lait maternel et un peu de coton. Elle me dit que le lait maternel est le plus propre des liquides du corps humain.
Ce médecin me dit que contrairement au Dr Thérèse, elle préfère les traitements par voie orale. De plus le dispensaire n’est ouvert que 3jours dans la semaine et les gens habitent bien loin pour revenir plusieurs jours de suite.
Après, nous avons discuté avec le médecin. Elle me parle de Tamatave et de Foulpoint à visiter. Puis des croyances sur les lacs des alentours. Elle me raconte que, lorsqu’elle était scout, elle s’était arrêtée au bord d’un lac dont la légende interdisait de se baigner. Or une scout voulant faire la vaisselle plongea ses mains dans l’eau, sans être avertie des dangers, et se retrouver la tête à l’envers… Puis elle me parle d’un autre lac dont le nom signifie quelque chose comme « interdit à l’étranger », ou le corps d’un européen voulant s’y baignait n’a jamais été retrouvé. Elle me raconte ses histoires avec beaucoup de sérieux et semble y croire réellement. Je reste dubitative, mais n’en dis pas un mot.


Avec Sr Hermine nous finissons quelques cartons, puis nous fermons le dispensaire à 16h30. Nous goûtons un peu.
Le maire est arrivé vers 17h pour amener les papiers à Sr Nathalie comme prévu. Comme tout doit être rédigé en français, ils me demandent un peu d’aide. C’est pour établir le papier de conformité de la nouvelle école.
Ce soir je me suis accordée avec Sr Hermine pour l’aider en français et dans les cours infirmiers, et elle m’aidera en malgache.
J 24 : mardi 18 septembre
Nous avons petit-déjeuné à 7h, un gâteau de semoule de maïs. Très bon. Nous avons ouvert le dispensaire peu avant 8h. Jusqu’à 9h nous avons travaillé le français et le malgache avec Sr Hermine. Ensuite nous avons eu 4 patients de 9h30 à 12h30.
Le 1er est un homme d’une quarantaine d’années. Il se plaint d’une douleur à la hanche droite qui irradie jusqu’au genou. Le médecin le fait se déshabiller et s’allonger sur la table d’auscultation. On aurait dit qu’il avait la hanche luxée : l’os ressortait de quelques centimètres, et de même toute sa jambe était décalée vers le haut. Et pourtant il bougeait sans peiner plus que ça… Il dit ne pas être tombé ni avoir reçu de choc, il pense plutôt à de la sorcellerie. Le médecin me dit bien que cela relève plutôt de la traumatologie, mais l’hôpital le plus proche étant Manjakandriana et n’ayant pas de moyens, elle prescrit juste quelques antalgiques. Pour prévenir les douleurs gastriques liées aux anti-inflammatoires, elle lui donne quelques feuilles de basalme à faire en infusion, et lui conseille de boire du jus de pomme de terre.


Ensuite, un patient de 75ans, accompagné de son fils, vient car il a des vertiges et est tombé ce matin. Elle l’ausculte, rien de cassé au niveau des côtes. Sinusite et bronchite. Elle prescrit antibiotiques, et calcium au cas où il y aurait une fissure.
3ème patient : un petit de 6 mois. Sa mère est morte des suites de couche. Il est accompagné de son père et sa tante. Ils viennent pour les conseils alimentaires. A ce jour il pèse 8 kg. Il a l’air en pleine forme, il fait des sourires sans cesse. Mais le médecin me dit que ça a été difficile au début, car ils ont dû trouver une mère allaitant dans leur quartier, qui finalement a refusé, et ils l’ont donc alimenté par le lait de vache coupé à l’eau.
Enfin une femme de 38ans est arrivée, accompagnée de 4 personnes de sa famille. Elle a accouché il y a 3 mois, et depuis est insuffisante cardiaque. Elle présente des oedèmes de partout, malgré un diurétique prescrit quelques jours plus tôt. Le médecin prescrit le diurétique en IM puis en comprimé, ainsi que Vit B.
Elle la garde 2h, le temps de voir si elle urine suffisamment. Résultat : plus de 2litres. Le traitement a été efficace. La patiente repart soulagée.
Dans l’après-midi nous avons eu 3 patients. Un couple qui vient pour une prescription d’antiparasitaire pour toute la famille. Une dame de 78ans qui vient pour bronchite et vertiges. Et enfin un jeune homme, qui a la cysticercose depuis quelques années, et qui commence à avoir des problèmes de vue et d’hémorroïdes. Il a ramené les plantes que le médecin lui avait demandées pour en faire des tisanes et bains de siège. Il repart avec une ordonnance de corticoïdes en plus.
Il a plu toute la journée et toute la nuit.
J 25 : mercredi 19 septembre
Ce matin pas de patient. J’ai préparé un gâteau à la vanille pour l’arrivée de Sr Emilienne ce midi. A ce qu’il paraît le mercredi c’est plus calme.
Puis avec le médecin et Sr Hermine, nous avons essayé de remplir un dossier sur le compte rendu annuel du dispensaire.
Avec Sr Hermine nous avons ramassé des brèdes dans le jardin pour ce soir.
Sr Emilienne est arrivée vers 11h. Elle nous raconte ses péripéties dans le taxi brousse.
À la fin du repas, les soeurs lui souhaitent la bienvenue en chant malgache en apportant quelques cadeaux (fleurs, bonbons, et lettre d’accueil).
Nous reprenons à 14h : consultation d’une dame de plus de 80 ans qui vient consulter pour sinusite et bronchite. Puis un jeune homme pour un antiparasitaire. Enfin un enfant de 2 ans dont l’état cutané ne s’améliore pas, malgré le traitement du médecin depuis 15 jours (antibiotiques, désinfection locale). Il présente de nombreux kystes de son coude à sa main gauche qui se sont infectés. C’est impressionnant… Il a toute la main enflée. Son avant-bras est pareil. Son index présente la même chose avec des croûtes sur plusieurs centimètres. J’ai pu désinfecter tout ça avec du permanganate de potassium (seul produit désinfectant local dont nous disposons et dont nous sommes sûres de la date de péremption). Avec l’aide du médecin, j’ai réussi à extraire la collection de pus et de sang qui s’étaient formés. Puis j’ai refermé le tout avec du tulle gras, des compresses et une bande. Il doit revenir vendredi pour voir l’évolution et refaire le pansement. J’espère que ça aura été efficace…
Nous avons pu déménager en fin d’après-midi le reste des armoires et des cartons avec l’aide des patients.
Le beau temps et la chaleur sont revenus en fin de journée, le moral par la même occasion.
J 26 : jeudi 20 septembre
Belle journée ensoleillée. Sr Nathalie et Sr Lydia sont parties pour Tananarive.
De 7h à 9h, deux jeunes hommes de la veille sont revenus pour amener les bancs et les tables de l’ancienne à la nouvelle école. Ils ont dû traverser les rizières sur les 300m qui séparent la congrégation de l’école. Par la même occasion je les ai aidés, et j’ai découvert cette école avec Sr Emilienne. Il y a 10 salles de classe. Un grand tableau en ardoise sur un pan de mur de chaque salle.
Puis j’ai passé la journée à faire du tri dans le matériel et les médicaments et les ranger dans les armoires par catégories, après avoir tout dépoussiéré. Il y a beaucoup de matériel pour les pansements. Beaucoup de médicaments périmés. Et enfin, beaucoup de boîtes vides et sales que l’on a mises au feu à la fin de la journée.
J 27 : vendredi 21 septembre
Aujourd’hui, suite du rangement du dispensaire. Nous avons ramené toutes les chaises, les tables, les affiches, les rideaux, bref tout ce qui restait au dispensaire pour le ramener dans la maison.
J’ai commencé par m’occuper du bureau du médecin, tout est propre et en ordre : bureau, table d’examen, armoire. Elle dispose d’un évier dans cette pièce.
Puis je me suis occupé de laver et désinfecter tous les pots en plastiques que l’on a trouvés, ainsi que tout le matériel médical (ciseaux, pinces, haricots…). Heureusement qu’hier nous avons donné quelques pots aux 2 filles qui sont venues aider au jardin, sinon on y serait encore.
A midi nous avons mangé les crevettes séchées achetées lundi au marché. Elles ont mijotées toute la matinée répandant leur odeur dans toute la maison pour la journée. J’y ai gouté, mais rien à envier aux crevettes fraîches.
Vers 15h, la maman est revenue avec son petit garçon pour le pansement de son bras. Les collections de pus ne sont pas revenues. Les plaies sont en cours de cicatrisation, mais de nouveaux kystes apparaissent… A suivre. On lui a dit de revenir lundi.
La journée est vite passée. Elle a commencé sous la grisaille, mais a fini sous le soleil.
J 28 : samedi 22 septembre
Au petit déjeuner riz et « kitouze » (la viande séchée, puis frit à la poêle). J’ai préféré finir le gâteau à la semoule de maïs de la veille qui restait.
Ce matin j’ai aidé en cuisine (salade, brèdes), puis j’ai fini de ranger le dispensaire pour lundi : affichage de quelques affiches, j’ai listé les médicaments par catégorie en indiquant l’action de chacun pour aider Sr Hermine.
Ce midi j’ai fait des galettes de pomme de terre. Sr Lydia a préparé un gâteau de maïs pour demain matin et des petites brioches.

Après le repas, les soeurs sont allées chercher 2 poules au poulailler. Elles leur ont tranché la gorge, les ont ébouillantées et les ont déplumées. Prêtes pour cuisiner demain.
Puis elles ont fait leur lessive, pris leur douche. C’est comme ça le samedi après-midi.
J 29 : dimanche 23 septembre
Petit déjeuner : gâteau de maïs à la banane. Très bon.
Ce matin je suis allée à la messe avec Sr Lydia et Sr Emilienne. Comme à Manjakandriana, il y avait la vente aux enchères des fruits et légumes. Au retour nous avons fini la cuisine avec Sr Hermine.
L’après-midi j’ai accompagné Sr Lydia récupérer de l’argent que leur devait une dame que nous avions croisé à l’église le matin. Puis, nous avons joué aux dominos et au scrabble. Les soeurs se sont entrainées à faire du vélo, car elles n’ont jamais appris.
Vers 17h sont arrivés Sr Marie Cécile et Vincent (le maître d’oeuvre d’AMM qui s’occupe de la rénovation du dispensaire). Jean Christophe, ne doit arriver que mardi. Puis, Vincent ira ensuite sur un autre chantier, à l’ouest de Tananarive.
Ils ont fait le tour du dispensaire avec le chef de chantier, pour en évaluer les travaux dans un 1er temps. Beaucoup de problèmes d’étanchéité du bâtiment et d’infiltration d’eau seront à régler tout d’abord. Puis à l’intérieur, sol, plafonds, électricité à vérifier, murs à repeindre, plomberie à revoir. Ils ont parlé des ouvriers et feront le point avec eux demain matin.
Le soir, le chauffeur « radada » est parti dormir et manger dans la maison du gardien, qui est en vacances actuellement. Le chef de travaux a dormi dans la chambre du médecin. Vincent a mangé avec nous à table après avoir dû s’imposer auprès des soeurs. Elles voulaient le faire manger seul dans la pièce d’à côté. Il a refusé. Il a bien fait. Elles ont prétexté avoir un rythme différent. On a parlé un peu à table, de ses précédentes missions.