La mission d'Ophélie approche de sa fin. Ci-dessous son compte-rendu de séjour à la clinique St François d'Assise.
Au sujet de l'hygiène on s'aperçoit que les progrès sont lents et que les consignes de Frédéric et Cindy (le couple d'infirmiers qui était allé formé il y a 2 ans le personnel de la clinique) ne sont qu'en partie appliquées.
Mais peu à peu les progrès avancent. Notamment la clinique est en train de se doter d'un magnifique incinérateur... il était temps... on imagine les pauvres malheureux en haillons en train de fouiller dans les décharges de Tana au milieu des aiguilles, des lames de bistouri, des pansements souillés...
En plus du chantier d'Antanamisaka, Vincent aide l'entreprise qui construit le bâtiment où sera installé l'incinérateur. Grâce à ses conseils avisés il a fait faire de grosses économies à la clinique. Nous attendons de savoir où ils en sont dans leur budget pour apporter notre contribution.

Le journal d'Ophélie - Semaine 8

J 51 : Lundi 15 octobre : retour à Tananarive
Départ à 5h ce matin de Manjakandriana pour Tana dans le brouillard. Arrivés à 6h30 à la clinique St François d’Assise, nous avons attendu un peu Sr Euphémie qui priait à la chapelle. Peu après, Jean-Christophe est arrivé avec le camion de Manjakandriana, ils sont partis peu après nous ce matin. Michel, le conducteur de travaux, les a rejoint à 7h pour faire le point, puis ils sont partis tous les 3 à Sanifer, avec le chauffeur du camion pour récupérer le matériel. Sr Euphémie ne s’attendait pas à notre venue. Le message entre Seta et elle n’était pas passé (le problème de communication est récurrent chez les malgaches). Du coup, manquant de chambre, elle m’a installé dans l’internat des aides-soignantes. Ce qui pour moi, ne change pas grand-chose. J’ai une chambre propre et avec toutes les commodités. De plus, elle ne semblait pas avoir compris que je venais là pour travailler. Du coup, pour le moment, elle doit organiser un peu le programme, en fonction de mes souhaits (observation de la maternité, de quelques services, et surtout du parcours du linge, des déchets et de l’hygiène).
Vincent est revenu de Sanifer vers 11h. Jean-Christophe restera à Antanimasaka, une fois le matériel déchargé, et Michel refera un aller-retour pour chercher le reste de la marchandise, demain. Vincent doit voir des architectes cet après-midi pour les plans de Soavimbazaha et pour des devis. Il ne rentrera à Antanimasaka que mercredi, car les Soeurs sont parties ce matin, après nous avoir déposé, à Soavimbazaha justement, et elles ne reviennent que demain.
Cet après-midi j’ai fait rapidement le point avec Sr Euphémie. Elle est débordée et me dit qu’elle ne pourra m’intégrer qu’à partir de jeudi. Seta me présentera à la maternité mercredi matin.
J 52 : mardi 16 octobre
Ce matin, je suis allée à Opham, la pharmacie, et Maexi Trading, le vendeur de matériel médical, pour acheter le matériel manquant aux dispensaires. J’ai pu avoir : gants d’examen, alcool, tests de détection du paludisme, poire, sérum physiologique, glucomètre, speculum à usage unique (car il n’y en avait plus en inox), des gels hydro alcooliques. Ils n’avaient malheureusement plus de Surfanios, ni de Bétadine unidose. J’ai fait 2 cartons : 1 pour Manjakandriana et 1 pour Antanimasaka. Ils sont partis cet après-midi, lorsque que les soeurs sont venues chercher Vincent. Dans la semaine il faut que j’aille chercher l’otoscope et le marteau à réflexe manquants pour le dispensaire de Manjakandriana.
Vincent a eu des nouvelles d’Antanimasaka, apparemment le chauffeur demande plus d’argent que prévu. Ce n’est pas la 1ère fois. Les accords ne sont jamais respectés. Pour l’apport du gravier c’était pareil.
Cet après-midi, nous sommes allés au Jumbo avec Vincent. C’est un petit centre commercial à 15 minutes à pieds. Il cherchait une taloche avec éponge pour le carrelage dans une boutique de bricolage. Puis au Jumbo j’ai vu de la confiture de baobab, de tamarin, du miel au litchi… Je pense qu’avant mon départ j’en prendrais quelques pots…
Seta m’a donné 2 documents de Cindy et Frédéric (les 2 infirmiers qui ont fait un travail important sur l’hygiène à la clinique il y a 2 ans). Ce n’est pas très détaillé mais ça complètera ce que j’avais déjà.
J 53 : mercredi 17 octobre
Ce matin je suis allé à l’ouverture de l’agence Surpham, pour récupérer l’otoscope, le marteau à réflexe et le garrot pour le dispensaire de Manjakandriana.
Jusqu’à 10h j’ai un peu tourné en rond dans la clinique, en attendant que Seta arrive. Puis il m’a envoyé comme prévu dans le service de maternité. Je suis présentée à la soeur, cadre du service. La première chose qu’elle me dit texto « c’est le bordel ! ». Etonnant sortant de la bouche d’une soeur. Elle est sage-femme. Elle m’emmène aussitôt dans la salle de soin des nourrissons. C’est l’heure du bain. J’assiste Fleurisse, une aide-soignante, à faire le bain d’une petite fille et les soins du cordon.
Puis la soeur m’appelle : un accouchement a lieu. Tout s’est très vite déroulé. La maman a poussé quelques fois. Les cheveux du bébé sont apparus. Encore une poussée, le gynéco réalise l’épisiotomie, et le bébé sort d’un coup. Il l’attrape par les pieds. Il est un peu cyanosé. Il pose 2 clamps sur le cordon, le coupe, et remet la petite fille à l’aide-soignante. Elle lui aspire les voies respiratoires, la stimule : elle crie. Puis, elle met la pince au niveau du cordon et le recoupe, le nettoie à l’alcool et le protège par une compresse. Enfin elle l’habille et l’emmitoufle dans la couverture.
Pendant ce temps, la maman perd beaucoup de sang. Le gynéco récupère le placenta, qui sera ensuite donné à la famille, ainsi que le cordon ombilical (car il n’y a pas d’élimination ici). La patiente reçoit des comprimés d’Ocytotec. Le gynéco la recoud sous une anesthésie locale. Dans moins d’une heure elle sera dans sa chambre avec le bébé.
Ensuite, je suis l’aide-soignante qui va préparer une femme porteuse de jumeaux, qui a perdu les eaux hier, et qui va donc devoir subir une césarienne.
En moins d’une heure, la soeur et une sage-femme arrivent précipitamment dans la salle de soins des nourrissons, avec chacune un jumeau dans leur bras. L’un pèse 1,660 kg et l’autre 2,200 kg. Même préparation que précédemment, sauf qu’ils vont être installés dans une couveuse, et avec une sonde naso-gastrique.
Dans le service il y a beaucoup de personnel :
- 2 sages-femmes + la Soeur
- 2 étudiantes sages-femmes
- 2 aides-soignantes
- 3 étudiantes aides-soignantes
- 2 étudiantes infirmières
- 2 ASH.
A mon retour à 14h c’est l’heure des biberons. Je l’aide à les préparer avec le lait en poudre. Ils sont 4 bébés en couveuses avec une sonde naso-gastrique, 2 avec sonde dans les berceaux et 2 sans sonde. Elles ont mis 2 bébés dans le même berceau car il n’y a plus de place…


Durant l’après-midi j’ai fait le tour avec une sage-femme et une aide-soignante. Soins du périnée à la Bétadine, vérification des sutures, et des constantes.
Ce qui m’a choqué c’est au niveau de l’hygiène. Pas de produits pour désinfecter les plans de travail ou le chariot d’accouchement. Les gants d’examens nettoyés à l’eau et au savon pour être réutilisés. Les tris de déchets non respectés. Les poubelles qui débordent.
Heureusement qu’ils changent les draps entre 2 patientes et que les instruments sont stérilisés. La salle d’accouchement n’a été nettoyée qu’en début d’après-midi.
J 54 : jeudi 18 octobre
Ce matin à 7h30 je retourne à la maternité. Tout est très calme comparé à hier. Je suis les aides-soignantes qui emmènent le linge sale à la lingerie. Il y a 2 poubelles en plastique pour le linge de la salle d’accouchement. Elles sont toutes souillées par du sang et des selles. Les AS ne portent pas de tablier. Juste une paire de gants en latex pour pouvoir trier le linge une fois à la lingerie. Le linge baignant dans le sang est jeté à même le sol pour pouvoir comptabiliser les draps, chemises… et les récupérer propres de l’autre côté. Une fois les poubelles remontées dans le service, elles sont nettoyées par l’ASH.
Puis les AS s’occupent des poubelles. Je ne comprends pas l’utilité de trier : il y a une poubelle pour les tubulures et une poubelle pour les solutés, mais au final elles mettent tout dans une même poubelle, avec les déchets ménagers, et les emmènent devant le bâtiment de l’incinérateur (qui n’est pas encore fonctionnel).Pour les seringues et les aiguilles : elles trient aussi dans 2 bouteilles différentes, et quand j’ai demandé à la cadre si tout ça allait être incinéré, elle m’a répondu qu’elle ne savait pas…
Vers 9h, même rituel qu’hier : les bains des nourrissons. Ici c’est les sages-femmes qui le font. Jamais elle ne laisse la maman le faire. C’est leur pratique. Et la mère ne peut regarder le bain du bébé, et avoir les explications que le jour de sa sortie. Pour les soins du cordon : elle nettoie avec de l’alcool puis protège avec une compresse avant de mettre une bande autour de l’abdomen.
Vers 11h une femme est prête à accoucher, le médecin a du mal à faire la péridurale. L’accouchement se passera naturellement, sans césarienne, ni épisiotomie pour la naissance d’une petite fille de 50cm et 3,250kg.
Enfin vers 12h, une AS s’est occupé de nettoyer les instruments à l’eau et au savon. Elle les a séchés, remis dans leur boite avec de l’alcool, les a fait flamber, puis on a emmené le tout à la stérilisation, à l’étage en dessous.
L’après-midi a été calme. J’ai aidé Fleurisse à faire les compresses, car ici il n’y a pas de paquet de compresses stériles toutes emballées. Il faut couper des carrés de compresses, d’un grand rouleau, puis les plier, et ensuite seulement elles iront à la stérilisation.
Au moment où je pensais partir, la sage-femme me propose d’aller voir une césarienne : une femme à 33 semaines de grossesse a perdu les eaux. A 18h30 je suis alors l’anesthésiste, Dr Fidy, jusqu’au bloc opératoire, à l’étage en dessous. Il y a 4 salles de bloc, et en moyenne 4 opérations par jour.
A 19h, la patiente arrive et la chirurgie commence. L’anesthésiste pratique une rachi-anesthésie. C’est un professeur qui pratique l’intervention. Il est assisté de 3 personnes. A 19h10 nait un petit garçon de 2,200kg. Il faudra encore 40 minutes pour suturer avant que la patiente remonte en SSPI. Dans la salle à côté naissent aussi 2 petites jumelles, par césarienne. Elles sont presque à terme.
Quand je remonte dans le service pour voir comment va le petit-garçon que je viens de voir naitre, c’est la panique. Lui, est déjà dans la couveuse. Les 2 jumelles sont dans un berceau avec l’oxygène. Et là arrive un nouveau-né, dont la maman a accouché dans la chambre… Beaucoup de bébés en peu de temps !

Je suis revenue à ma chambre ce soir, il était plus de 21h. Une journée bien remplie et pleine de vie.
J 55 : vendredi 19 octobre
A 7h30, je passe faire un petit tour à la maternité, avant d’aller voir Sr Euphémie, pour voir comment se portent les jumelles et le petit garçon nés hier soir. Tout va bien.
Finalement Sr Euphémie n’a toujours pas parlé à l’équipe. Du coup, je retourne pour la journée à la maternité. Lundi j’irai normalement en chirurgie. Et avec Seta, ils prévoient de réunir l’ensemble de l’équipe d’hygiène pour mardi 11h. Ils me disent déjà qu’ils n’utilisent plus le Surfanios, mais qu’ils sont revenus à leur ancien produit, car paraît-il le Surfanios laissait des traces. De plus quand je leur parle des référents hygiène dans chaque service, ils rient et me disent que ça n’est plus d’actualité. J’ai hâte de découvrir quel savon ils utilisent, même si j’ai bien peur quant à son action désinfectante…
De retour dans le service, j’aide une AS à faire la réfection des lits dans les chambres. Pour cela, elles disposent d’un charriot à linge. Le sac vert pour le linge sale, et le sac rouge pour le linge vraiment souillé.
Une péridurale et un autre accouchement à 11h. J’ai fait mon 1er bain et soins du nourrisson.
Dans l’après-midi j’ai fait le tour avec la sage-femme : constantes et soins du périnée.
Ce soir, il y a eu un accouchement dans la salle d’examen, car dans la salle d’accouchement une femme qui venait juste d’accoucher se reposait encore. Le travail durait, mais les contractions de la mère étaient inefficaces. La sage-femme et l’aide-soignante avaient beau masser énergiquement le ventre : rien ne faisait. Episiotomie et forceps étaient nécessaires, pour éviter toute souffrance foetale. Un beau petit garçon de 52cm, et 3,600kg est né. Il a malheureusement inhalé du sang lors du passage utérin. J’espère qu’il n’y aura pas de séquelles respiratoires. L’AS l’aspire plusieurs fois. Et récupère la sonde qui est tombée au sol entre 2 aspirations…
J 56 : samedi 20 octobre
Ce matin, j’ai été confirmé mon vol retour. Puis j’ai accompagné Vincent qui avait RDV avec William pour le chantier de Soavimbazaha. Nous avons pris un verre au café de la gare. C’est l’ancienne gare de Tananarive, qui ne sert plus que pour les marchandises maintenant. Il n’y a pas de trains de passagers à la capitale. Elle est bien rénovée et entretenue ; ce qui crée un sacré contraste avec les vendeurs installés devant à même le sol, les vendeurs à la sauvette et les embouteillages de taxi-brousse. Elle sert surtout pour des salons ou expositions. L’entrée est fermée par des grilles. Quand nous arrivons, il y a un camion de militaire et 2 camions de gendarmes armés jusqu’aux dents, juste devant. Le café est tenu par des Français, d’ailleurs la majorité des clients ici sont Français.
Cet après-midi, le Dr Saholy est venue me rendre visite à la clinique ; elle voulait me dire au revoir, et me faire un petit cadeau. Nous avons discuté du petit garçon. Sa maman ne l’a toujours pas amené à Tananarive et il est revenu pour les pansements. Apparemment, là c’est en bonne voie. Je lui raconte un peu mon séjour ici, lui parle des accouchements, et des nombreux jumeaux qu’il y a en ce moment. Elle me dit alors qu’au Sud-Est de Mada, il y a une croyance autour des jumeaux : ils porteraient malheur. Alors les parents les abandonnent à la naissance. Il y a un orphelinat qui a été créé spécialement pour eux.
Avec Vincent, nous avons envoyé tous les comptes rendus, les photos…
Nous sommes ensuite allés nous balader en ville : j’ai acheté la vanille. Nous avons pris un jus de la passion à Sakamanga, un bar-restaurant-hôtel, dans le centre-ville, réservé aux étrangers. Aux tables, il n’y a que des Français, Anglais ou Allemands. Vincent me raconte qu’un jour il a voulu inviter Sr Jeannette, Sr Euphémie et Seta ici : il a dû négocier longuement avec le patron afin qu’ils puissent rentrer. Aucun malgache ne rentre habituellement. Faisant déjà nuit, nous sommes rentrés en taxi.
Ce soir Sr Edwige, une étudiante infirmière est venue m’apporter son mémoire afin que je corrige les fautes de français. Elle doit le rendre avant vendredi et passera la soutenance dans 2 semaines.
Voilà, on est samedi soir, il est 20h et je suis dans mon lit à rédiger.

Dernier samedi à Madagascar.
J 57 : dimanche 21 octobre
Ce matin, j’ai passé 2 heures à relire le mémoire de Sr Edwige. C’est sur le SIDA et les déterminants dans l’acceptation de la maladie. Puis je suis allée faire un petit tour, et j’ai acheté du miel de baobab et de la confiture de tamarin.
A midi, nous avons mangé avec Seta et un ami à lui, sur les hauteurs de Tana. J’ai pris un « ravitoto » de porc. C’est des feuilles de manioc pillées. Pas mauvais.